Atelier Galerie 1911
Atelier Galerie 1911
2015
Devant les œuvres de Pernelle Duvillet, l’auteur de phrases éprouve avec acuité cette impertinence de l’écriture, inadéquation qui est devenue un truisme de la littérature sur l’art, à rendre l’expérience d’un dessin fait de signes ouverts à l’air du papier, et plus encore à transcrire la plénitude d’une composition colorée, faite de la langue des rapports de tons, de la profondeur que façonnent leurs étendues, leurs substances fluides et mates, leurs échos et leurs éclats. Pas de doute : c’est un art qui reprend le fil de l’histoire de la peinture, qui se retrempe à l’ascèse de la présence au monde. Autant dire à la source du projet moderne. Il en réinvente à la fois le surgissement inédit par nature et l’intense inactualité de l’expérience commune. Telle gare routière, tels cafés, telles rues de Dourdan, de Montmartre ou Berlin sont les lieux les plus quotidiens de l’artiste, presque aussi proches que son atelier : des sujets aussi récurrents qu’ils sont habités.
Les évasements ou la liquéfaction de ses premiers plans affirment cette proximité où l’artiste se tient et d’où elle pénètre l’espace qui la relie aux choses et aux évènements qu’elle saisit : une sorte de zone affective. Plus loin, des pans de murs, de toits ou leurs reflets plus nets, plus clairs ou plus chauds ponctuent le trajet de l’œil et donnent de l’ampleur aux masses environnantes. Un vermillon qui éclate à mi—chemin de l’horizon dans une palette froide affirme sa surface au cœur d’une facture mouillée, un bleu céruléen qui rapproche un ciel à le toucher font vibrer les limites des figures et densifient l’espace attenant. Cet art retrouve les scénographies du regard d’un Vermeer, les pulsations des distances d’un Matisse, les tensions de plans des paysages d’un Soutine. La virtuosité de telles constructions spatiales, la variété des gestes graphiques qui, dans les dessins, évoquent les textures et la circulation des formes ou la suspension d’une mimique, servent un dessein proche de ce que Merleau—Ponty nommait « l’accueil stupéfait du présent ». Un travail visant au déssaisissement. Nous en trouvons peut—être la clé dans la manière dont ses teintes les plus franches, les plus intensément lumineuses strient, traversent et paradoxalement structurent les lieux, laissant, à l’instar de ses fenêtres ouvertes, entrer la fraîcheur, la substantifique verdeur de la vie.